Échappement libre

En sortant de sa séance des assassins anonymes, groupe de parole de meurtriers repentis, Rufus Tucru se sentait tout éparpillé (épars et pillé par l’adversité), pas entier, disséminé, morcelé, fait de morceaux mal joints, de pièces rapportées, chambres, débarras, escaliers dérobés, passages secrets derrière la bibliothèque, et la petite pièce au fond du couloir – no place to dwell. Il alla voir le Dr Sigmund Frankenstein pour qu’il lui recouse tout ça. Le docteur l’étendit sur son divan d’Orient et entreprit de recoudre tout ça. Ça prit sept ans.

Ensuite, Rufus, enfin, dehors nickel, dedans liquide.

— Vous pouvez y aller, mon vieux, vous êtes rechapé.

— Vous pensez que ça tiendra, docteur ?

— C’est cousu de fil blanc, on voit les ratures, les coupes et coutures, mais ça tiendra. Mais ne laissez plus rien s’échapper.

Pourtant, une fois sorti, Rufus, désaxé, s’arrêta au bord du trottoir dans la rue Quincampoix (la rue ensoleillée, aussi déserte qu’un cadavre). Une escarbille en provenance d’une décapotable anglaise rouge aux coussins de cuir rouge pilotée par une amazone nommée Lola Lokidor tatouée d’étoiles bleues jusqu’aux aisselles, frappa son gros orteil droit, ça fit un trou dans la pellicule et tout ça coula dans le caniveau.


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